Le théâtre est un art subtil est complexe, et c’est précisément ce qui en constitue l’attrait. Sa capacité à faire rire, à émouvoir, à surprendre, à porter un discours engagé également. Comme on l’entend régulièrement, tantôt comme une assertion, tantôt pour la mettre en débat, « le théâtre est politique ». Ou tout du moins il peut l’être. Hélas, trop souvent, l’on a, à tort ou à raison, la vision selon laquelle les pièces qui se veulent « politiques » sont soit trop graves, soit trop moralisatrices. Avec « Jeux de rôles », l’on pourrait plutôt dire que « le théâtre est citoyen ». Et évite ainsi les écueils de son confrère le théâtre politique. Mieux même, cette pièce intelligemment écrite par Nathalie Charade, qui a reçu le prix Nouvel Auteur de la Fondation Bajen et la validation du président de la Commission Culture de la Licra prend le parti de la comédie pour aborder avec légèreté le sujet hélas très polémique depuis quelques années de l’accueil de ceux que l’on nomme migrants. Mais pas que bien évidemment.
Le tour de force de l’histoire est précisément de parler des demandeurs d’asile sans en mettre réellement en scène, mais en montrant un jeune homme qui joue le rôle (d’où le titre du spectacle) d’un réfugié. Ce jeune homme, c’est Kamel (Nadhir El Arabi), patron de startup né à Courbevoie, qui cherche par tous les moyens à plaire à Claire (Violette Blanckaert), la sœur de son employé Laurent (Rémi de Monvel), qu’il admire pour son côté passionné et non superficiel. Hélas, la jeune femme, n’ayant d’yeux et d’énergie que pour l’association d’accueil des migrants pour laquelle elle travaille.
Prenant trop au sérieux une boutade de Laurent, Kamel décide de se présenter à l’accueil de l’association en prétendant venir tout droit du Kushmiristan (pays sortant droit de l’imagination de l’autrice), en espérant que le temps passé avec Claire lui permettra à la fois de mieux la connaître et d’enfin pouvoir la charmer. Un mensonge en entraînant un autre, il va se retrouver malgré lui entraîné beaucoup trop loin, risquant de compromettre celle qui fait battre son cœur, peinant à trouver le courage de tout arrêter en voyant qu’elle se laisse petit à petit charmer par le personnage qu’il compose avec un certain brio. De son côté, Laurent découvre (en partie) ce qui se trame, mais, soucieux pour son poste et désireux de séduire Aïcha, la cousine de Kamel, il choisit de fermer (en partie) les yeux.
Toute la force de ce jeu de rôles est de montrer des personnages tous porteurs d’ambivalences, dans lesquels chacun et chacune peut plus ou moins se reconnaître, tout en invitant sans en avoir l’air à une vraie réflexion sur l’accueil de ces autres qui sont nos semblables, simplement souvent nés du mauvais côté d’une frontière. A la fois romantique et engagé, drôle et percutant, léger et sérieux, ce jeu de rôles, où le plus joueur n’est pas forcément celui qu’on croit, nous place face à nos contradictions tout autant que face à nos inspirations avec une grande subtilité, grâce à des comédiens dont le jeu tout en sensibilité émeut forcément. Si vous souhaitez changer des jeux de société ou des jeux vidéo, n’hésitez pas à tenter le jeu de rôles l’un des dimanches à venir.
Plus d’infos :
- Jeux de rôles, jusqu’au 29 décembre 2019, le dimanche à 15h
- Les Rendez-Vous d’Ailleurs, 109 rue des Haies, 75020 Paris
- https://www.lesrendezvousdailleurs.com/les-rdv-theatre-de-15h/
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