Il est étrange de parler de sorties théâtrales en ces temps de confinement. Certes, les captations ne manquent pas, et l’on peut saluer toutes les salles et toutes les compagnies qui nous permettent de découvrir leur travail depuis nos écrans, mais il ne saurait bien sûr être question pour un temps indéterminé, mais allant sans doute bien au-delà de la période de strict confinement de re-fréquenter les salles et d’éprouver cette émotion si particulière face aux comédien.nes « en chair et en os ». Pour ma part, ma dernière pièce « en réel » aura donc été ce Rien plus rien au monde. Le titre sonne presque comme une annonce de ce qui allait suivre quelques jours plus tard au final. Et dans un sens, l’histoire aussi.
Parce que ce texte de l’Italien Massimo Carlotto, c’est l’histoire d’une femme enfermée dans sa vie, qui nous la livre à huis clos depuis sa cuisine. Une femme comme il en existe tant d’autres, peinant à joindre les deux bouts entre ce que lui rapportent ses heures de ménage dans des familles bourgeoises qui lui font encore plus sentir la dureté de sa propre vie et le maigre salaire d’ouvrier de son mari. Une femme qui compte chaque dépense, se rend à la grande surface discount toutes les semaines pour le jour des super promos et fait tout son possible pour vivre avec dignité.
Pour tenir le coup, elle s’autorise chaque jour sa dose de pineau. Et puis elle projette tous ses espoirs sur sa fille de 20 ans, pour laquelle elle rêve un destin fait de paillettes et de succès comme star de la télévision. Espoirs que cette dernière rejette catégoriquement, créant des conflits mère-fille permanents. Durant une heure, Amandine Rousseau campe magistralement cette femme à la fois courageuse et maladroite, volontaire et découragée, qui partage ses déceptions, son mariage qui n’en est plus vraiment un avec un homme devenu impuissant, diminué moralement par les échecs professionnels, ce mode de vie si loin du sien qu’elle observe chez ses patronnes, et puis son refus de laisser sa fille avoir la même vie que la sienne.
Durant tout ce temps, on sent bien que quelque chose ne tourne pas rond, qu’il s’est produit un drame, les indices ne manquent pas d’ailleurs. Mais on ne découvre lequel qu’à mi-spectacle. Et c’est évidemment là que le personnage gagne le plus en intensité, témoignant de la banalité du basculement dans la folie, une folie bien réelle mais maîtrisée qui ne tombe ni dans l’hystérie ni dans le pathos. Une performance à la fois bluffante et glaçante qui invite à ne surtout pas s’enfermer mentalement (mais restez chez vous physiquement bien sûr !!)
Plus d’infos :
- Rien plus rien au monde, Théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville, 75005 Paris
- https://theatredelacontrescarpe.fr/rien-plus-rien-au-monde/
Merci d’avoir parlé de théâtre, cela change et permet de se tenir informé sur autre chose que sur ce satané problème que la société rencontre en ce moment.