Par tous les saints

Vous vous dites qu’au mystique ce texte fait la part belle
Ou alors qu’opposant la croyance au savoir
Il évoque des saints que l’on ne saurait voir
Invoquer le divin n’est point mon intention
Je préfère parler des douces sensations
Et même, j’ose le mot, de la délectation
Que procurent toujours certaines dégustations

Rien de tel en effet qu’un plateau de fromage
Pour sourire à la vie en lui rendant hommage
L’on pourra l’entamer avec du Saint-Paulin 
Posé très simplement sur un fin craquelin 
Et poursuivre gaiement avec du Saint-Nectaire
Que l’on savourera en prenant de grands airs
Avant de découper un morceau de Saint-Jacques
Qui, relevé à la sauge, est un peu démoniaque
L’on testera aussi le Saint Mont Crémier
Tranquillement assis à l’ombre d’un pommier
Un autre nous fait de l’œil, c’est le Saint-Marcellin
Qui sait y résister est ou non bien malin
L’on aimera son « cousin », le dit Saint-Félicien
Qui nous rappellera des souvenirs anciens
L’on finira avec le Sainte-Maure de Touraine
Bien vite avant que les autres convives n’en prennent

Au royaume des saints viennent ensuite les breuvages
Qui eux aussi emmènent nos papilles en voyage 
L’on ne présente plus l’illustre Saint-Estèphe 
Qui à n’importe quel mets peut donner du relief
Célèbre lui aussi est le Saint-Emilion 
Dont l’on peut admirer la robe vermillon 
Optant pour plus discret, le Saint-Pantaléon
Entraîne le palais en mode caméléon
Là où très loin de Phèdre, un bon Saint-Hyppolite
Conduit qui y succombe dans les rangs de l’élite
Pour qui aime le tanin, s’impose le Saint-Amour
Dont l’arôme subtil peut éclairer le jour
Blanc sur rouge, rien ne bouge, avec le Saint-Romain
Qui reste une valeur sûre aujourd’hui et demain
L’on conclura ce tour avec un Saint-Véran
Idéalement relevé de miel au safran

Mais de tous les saints mets, c’est le Saint-Honoré
Qui en bon « bec sucré » reste mon préféré